Issue
Mov Sport Sci/Sci Mot
Number 118, 2022
Sports, culture populaire et culture matérielle / Sports, popular culture and material culture
Page(s) 61 - 68
DOI https://doi.org/10.1051/sm/2021023
Published online 11 January 2022

© ACAPS, 2023

1 Introduction

Être performant sur un terrain de sport, sur une route ou un chemin accidenté va dépendre de la qualité de votre sommeil, de votre état émotionnel ou encore de ce que vous mangez ou buvez. Cependant, toutes choses égales par ailleurs, certains facteurs physiologiques et biomécaniques vont aussi déterminer la performance. L’avancée des recherches et du développement technologique permet aux athlètes et entraîneurs de les mesurer de plus en plus facilement, et des recherches récentes permettent de mieux cerner leur implication dans la performance. Formule 1, cyclisme, football, rugby, les données chiffrées sur les performances des sportifs sont de plus en plus souvent affichées en direct pendant leurs efforts, et les pratiquants de masse sont de plus en plus nombreux à mesurer, quantifier et suivre leur activité physique et leurs performances. Si le but principal est parfois la compétition entre amis sur les réseaux sociaux sportifs comme Garmin Connect ou Strava, un objectif plus sérieux de quantification, suivi et d’amélioration des performances est souvent recherché. Là où la fréquence cardiaque et la vitesse de course ou de pédalage ont souvent été les seules variables physiologiques ou de performance accessibles facilement, l’avènement des capteurs GPS et l’amélioration des smartphones ont ouvert une tout autre dimension. Les sportifs professionnels et amateurs auront bientôt l’équivalent d’un véritable laboratoire d’analyse dans leur poche…en tout cas celles et ceux qui s’intéressent à la mesure de leurs efforts.

L’amélioration des qualités musculaires impliquées dans les disciplines dites « explosives » comme le saut ou la course de sprint est un facteur crucial de l’entraînement dans de très nombreux sports. Certes les qualités physiques ne font pas toute la performance dans un sport comme le football ou le rugby, mais sauter un peu plus haut ou accélérer un peu plus fort ne peuvent que contribuer positivement à la performance gestuelle spécifique individuelle, et donc dans une certaine mesure à la performance collective. Un sprinter « pur » ne sera jamais un bon joueur de football ou de rugby sans de longues années d’entraînement, mais entre deux bons joueurs de sports collectifs, celui qui pourra sauter plus haut ou courir plus vite aura certainement un avantage dans le jeu.

Dans son œuvre magistrale « Le mouvement » (publiée en 1894) (Fig. 1), Étienne-Jules Marey, considéré comme le premier physiologiste et biomécanicien de l’exercice, présentait ses travaux d’analyse du mouvement humain et animal. Sa méthode d’analyse par « chronophotographie » lui permit d’étudier de nombreux mouvements dont le saut et la course, à partir d’outils de photographie multipliant les séries d’images, approchant les fréquences de 20 à 24 images par seconde. Au-delà de l’avancée des connaissances sur la locomotion apportée par cette innovation technique, Marey est considéré comme un des précurseurs du cinéma scientifique, voire du cinéma tout court.

Dans ces extraits d’une lettre écrite à sa mère, il relate la problématique de la précision des mesures, mais également des contraintes administratives et technologiques au développement des connaissances sur le mouvement humain. Ces éléments sont toujours d’actualité dans le champ de la recherche expérimentale sur le mouvement humain :

« 3 février 1882

Chère mère, […] je suis toujours tout à mes expériences qui donnent des résultats étonnants. […] Les changements de Ministère à Paris retardent beaucoup mes affaires de la Station physiologique. Heureusement j’ai le terrain et une subvention qui m’aidera beaucoup à travailler cette année et à payer mes frais de construction. J’ai un fusil photographique qui n’a rien de meurtrier et qui prend l’image d’un oiseau qui vole ou d’un animal qui court en un temps moindre d’un 500e de seconde. Je ne sais pas si tu te représentes bien cette rapidité mais c’est quelque chose de surprenant. […] »

Les appareils Apple (tablettes et téléphones) les plus récents permettent des mesures vidéo sur plusieurs secondes voire minutes avec un ralenti à 240 images/s. Environ 10 fois plus rapide que les appareils révolutionnaires conçus par Étienne-Jules Marey à la fin du XIXe siècle pour la chronophotographie du geste sportif, cette fréquence de 240 images/s est autant voire plus élevée que celle de caméras utilisées en laboratoire pour l’analyse du mouvement humain et du geste sportif. En effet, de nombreuses publications en biomécanique analysent le saut, la marche ou la course sur la base de caméras coûteuses à des fréquences de 100 à 200 images/s. Heureux hasard du calendrier, cette avancée technologique arrive en même temps que la publication et la validation d’approches mathématiques permettant l’analyse des déterminants de la performance sportive sur la base de paramètres simples : hauteur de saut, temps de contact au sol ou de vol en course à pied, ou encore vitesse de course lors d’un sprint (e.g., Samozino et al., 2014). L’association des deux a donné naissance à des applications pour iPhone et iPad très peu coûteuses (environ 10 euros), mais validées scientifiquement. De plus en plus populaires dans les structures sportives, elles permettent à moindre coût, des mesures de variables de la performance sportive jusqu’ici beaucoup plus compliquées à évaluer. Un de leurs avantages est qu’elles accomplissent les nombreux calculs nécessaires en une fraction de seconde. Un véritable laboratoire dans la poche des entraîneurs, et des athlètes, de tous niveaux.

Dans cet article, nous détaillerons certaines de ces applications à travers les variables biomécaniques mesurées, les études de validation, et des exemples d’utilisation concrète dans le domaine de l’analyse de la performance ou de l’entraînement. L’auteur de cet article n’a aucun conflit d’intérêt avec le développement et la commercialisation de ces applications.

thumbnail Fig. 1

Illustrations issues du livre « Le Mouvement » d’E.J. Marey (1894). Étienne-Jules Marey (Beaune, 1830 – Paris, 1904), médecin et physiologiste français, successeur de Claude Bernard à l’Académie des sciences, dont il a été Président, a été un des précurseurs de l’analyse scientifique du mouvement, notamment à travers la création d’outils et méthodes d’observation photographique et cinématographique.

2 Performance et profil force-vitesse-puissance en saut

Les travaux menés par notre équipe ont permis ces dernières années de valider une méthode complète d’analyse du profil force-vitesse et de la performance lors d’impulsions brèves (comme un saut vertical ou un premier pas lors d’une accélération) sur la base de la simple mesure de la hauteur de saut (Morin & Samozino, 2016; Samozino, Rejc, Di Prampero, Belli, & Morin, 2012; Samozino et al., 2014). Quelques sauts verticaux supplémentaires permettent ainsi de connaître le profil (plutôt force, vitesse, ou plutôt équilibré) de l’athlète, et surtout d’en déduire un entraînement adapté et individualisé pour améliorer sa performance en saut vertical. Cette méthode présentée et validée par Samozino, Morin, Hintzy, & Belli (2008) a depuis été validée et utilisée par plusieurs groupes de recherche indépendants. La hauteur de saut est la variable principale de ce modèle, et donc celle qu’il faut mesurer précisément pour mener les analyses. Grâce à l’application MyJump, la hauteur de saut est mesurée simplement, en filmant les pieds de l’athlète. En visionnant le saut image par image, on indique sur l’écran le moment où les pieds quittent le sol, et de nouveau lorsque les pieds touchent le sol à l’atterrissage quelques dixièmes de seconde plus tard. L’application compte le nombre d’images entre les deux événements, en déduit le temps passé en l’air, et la hauteur de déplacement du centre de masse en vertu des lois de la chute des corps formulées par Galilée et Newton. Ensuite, la masse étant entrée dans le profil d’utilisateur, l’application calcule la puissance de l’athlète, et on peut obtenir son profil force-vitesse ainsi que son profil optimal (Samozino, Rejc, Di Prampero, Belli, & Morin, 2012) en quelques clics sur l’écran, juste en réalisant quelques sauts supplémentaires. Le protocole typique consiste à réaliser 3 à 5 sauts avec des charges allant de 20 kg à environ 75 % de la masse corporelle sur les épaules (Sarabon, Kozinc & Markovic, 2020). Comme illustré dans la figure 2, le « déficit force-vitesse » informe sur l’entraînement à mener (qualité musculaire à développer en priorité, ampleur du déficit, etc…) et l’application crée une base de données individuelle pour le suivi de cet entraînement. La fédération française de volleyball et de nombreux clubs de basketball utilisent par exemple l’application dans le suivi des qualités physiques des joueurs, et la programmation individualisée des charges d’entraînement (Broussal, Delacourt, Samozino, & Morin, 2016; Jiménez-Reyes, Samozino, Brughelli, & Morin, 2017).

Tellement simple et économique qu’une validation rigoureuse était nécessaire, pour rassurer chercheurs et entraîneurs à qui la culture technologique impose que généralement un outil précis est nécessairement coûteux, et vice versa, un « gadget » pour iPhone ne peut être fiable. Cette validité a été testée par Carlos Balsalobre-Fernandez et al. qui ont comparé la hauteur de saut donnée par l’application à celle calculée par un outil « gold standard » en biomécanique : la plateforme de force. Les conclusions montrent une fiabilité très élevée des mesures (confirmée par de nombreuses études ensuite), qui a été discutée dans le journal British Journal of Sports Medicine (Balsalobre-Fernández, Glaister, & Lockey, 2015; Stanton, Kean, & Scanlan, 2015). Les données de hauteur de saut obtenues avec l’application ont montré une corrélation très élevée avec celles obtenues par mesures sur plateforme de force (r < 0,99), ainsi qu’un coefficient de corrélation intraclasse de 0,997 (intervalle de confiance à 95 % : 0,996–0,998, et un biais moyen de 1,2 ± 0,5 cm.

thumbnail Fig. 2

(a) Mesure de la hauteur de saut avec l’application MyJump, il suffit de cliquer sur l’écran en visionnant le saut au ralenti quand les pieds décollent et reviennent au sol. (b) Après quelques sauts supplémentaires avec charges additionnelles, l’application calcule le profil musculaire force-vitesse complet de l’athlète, et surtout, indique la piste de travail pour améliorer la performance en saut de façon individualisée. Ici, la puissance maximale de l’athlète est de 23,7 W/kg, et le déséquilibre force-vitesse (écart entre le profil réel en noir et le profil idéal calculé en rouge d’après Samozino et al. (2012) indique qu’un travail de force sera nécessaire pour rééquilibrer le profil. La prochaine évaluation permettra de quantifier les progrès et d’ajuster le programme si nécessaire.

3 Performance et profil force-vitesse-puissance en sprint

La capacité d’accélération en sprint est un autre facteur physique de performance dans de très nombreux sports, à travers des efforts de course à intensité maximale sur plusieurs mètres, voire plusieurs dizaines de mètres. En reprenant la même idée simple de filmer un mouvement sportif pour en distinguer les éléments clés en visionnant le ralenti vidéo, l’application MySprint permet, en filmant une accélération départ arrêté sur 30 m, de toucher l’écran au moment exact du passage des repères placés tous les 5 m environ, pour tenir compte de l’angle de vue. Ensuite, l’application calcule la performance en sprint des athlètes (leurs temps de passage tous les 5 m) (Fig. 3), mais aussi leur production de force et de puissance, ainsi que l’efficacité de leur technique d’orientation de la force lors de la poussée sur la base de calculs issus là encore des lois fondamentales de la dynamique (Samozino et al., 2016). Autant de données biomécaniques qui expliquent la performance (quelle quantité de force a été produite, et dans quelle direction a-t-elle été appliquée au sol), et seront donc des aides précieuses pour l’entraînement, encore une fois individualisé. En effet, pour une même performance d’accélération sur 20 ou 30 m, nous avons observé par exemple avec l’équipe de France de rugby à 7 que certains joueurs avaient une poussée efficace (orientée vers l’avant) mais manquaient de force, alors que d’autres avaient une force musculaire impressionnante mais une poussée sur le sol très peu efficace (données personnelles non publiées). Ainsi, tout comme la seule hauteur de saut ne renseigne pas sur les déterminants biomécaniques sous-jacents, le temps en sprint sur une distance donnée ne donne qu’une information partielle sur les capacités neuromusculaires des athlètes. Ces informations sont précieuses pour orienter l’entraînement de chaque joueur selon ses propres besoins, son propre profil. Les calculs impliqués ici, inclus dans l’application, utilisent encore les lois de la mécanique de Newton appliquées au corps du sportif (Morin, Samozino, Murata, Cross, & Nagahara, 2019; Samozino et al., 2016), et ne nécessitent que de connaître la masse des sujets, et leurs temps de passage tous les 5 m, ou leur vitesse de course.

Ces approches individualisées de l’entraînement en force-vitesse-puissance ont fait l’objet de publications récentes (Morin & Samozino, 2016), et comme pour MyJump, la validité de MySprint a été testée en comparant les données de l’appli aux mesures de référence en matière de sprint : les temps mesurés par cellules photo-électriques et par radar (Haugen & Buchheit, 2015). Comme pour MyJump, l’étude de validation par comparaison à des outils de référence pour la mesure des temps de passage ou de la vitesse de course montre une très bonne concordance (Romero-Franco et al., 2017).

thumbnail Fig. 3

(a) Identification des temps de passage tous les 5 m avec l’application MySprint, il suffit de cliquer sur l’écran en visionnant le passage du bassin dans l’axe du marqueur de distance. (b) Après avoir identifié tous les temps de passage, l’application calcule le profil musculaire force-vitesse en sprint de l’athlète, ainsi que son efficacité mécanique (la façon dont il oriente la force lors de la poussée au sol). Comme pour MyJump, les données sont stockées dans le dossier de l’athlète et prêtes à envoyer par émail sous forme de tableur pour d’éventuelles analyses plus approfondies, ou un suivi de l’entraînement.

4 Analyse de la biomécanique de la course d’endurance

Pour les efforts de course à pied de longue durée, une application développée sur le même principe (Runmatic), permet une analyse biomécanique de la foulée. Cette dernière est souvent décrite par le modèle « masse-ressort » : le coureur est mécaniquement assimilé à une masse qui rebondit à chaque pas sur un ressort. Aussi simple qu’il puisse paraître, ce modèle traduit correctement la mécanique globale du corps lors de la course. Sur la base de la mesure du temps de contact au sol et de vol, des recherches ont permis le calcul des principales caractéristiques de la foulée : force d’appui au sol, abaissement du centre de masse à chaque pas et raideur musculo-tendineuse du membre inférieur (Morin, Tomazin, Edouard, & Millet, 2011; Morin, Dalleau, Kyröläinen, Jeannin, & Belli, 2005) (Fig. 4). Ces variables, ainsi que les différences et asymétries entre jambe droite et gauche, étaient habituellement mesurées sur tapis instrumenté en laboratoire, ou à l’aide d’outils de terrain relativement lourds à mettre en place et/ou coûteux. En filmant la foulée du coureur de dos, et ses pieds en particulier, l’utilisation de l’application Runmatic permet le calcul de ces paramètres de la foulée, ainsi que leur suivi dans le temps, et donc leur évolution avec l’entraînement, voire avec le développement de pathologies liées à la course. Pour cela, même procédure : un ralenti vidéo, quelques touches sur l’écran lorsque les pieds entrent en contact avec le sol et le quittent, et détermination des phases temporelles de contact et de vol. Et comme précédemment, une validation a été effectuée en comparaison à des outils de référence, montrant de nouveau un accord élevé avec des outils de référence (Balsalobre-Fernández, Agopyan, & Morin, 2017).

Un des modules les plus intéressants de l’application permet un suivi dans le temps de l’évolution des paramètres de la foulée, afin par exemple de voir les effets de l’entraînement ou d’un programme de rééducation. Les changements d’une mesure à l’autre sont calculés et indiqués à l’utilisateur, ce qui permet par exemple de détecter une variation inexpliquée dans la symétrie entre les deux jambes (souvent observé lors de pathologies du membre inférieur comme des périostites ou tendinites) avant même que le coureur n’ait conscience d’une quelconque douleur associée à une potentielle pathologie naissante.

thumbnail Fig. 4

(a) Identification des temps de contact du pied au sol et des phases de vol pour plusieurs pas consécutifs. (b) L’application liste les différentes caractéristiques mécaniques de la foulée, pour chaque jambe, et calcule l’asymétrie entre la jambe gauche et la droite (ici concernant le temps de contact au sol). (c) Le bilan de chaque mesure est affiché sur un seul écran, et un suivi dans le temps est effectué pour chaque profil d’utilisateur enregistré.

5 Mesure de la charge maximale (1RM) et « velocity-based training » en musculation

Carlos Balsalobre-Fernandez (Université autonome de Madrid), le concepteur des applications Myjump et Runmatic s’est enfin intéressé à un autre grand classique du suivi de l’entraînement : le calcul de la charge maximale en musculation (ou 1RM). Cette valeur représente la charge que l’on ne peut soulever qu’une seule fois pour un exercice donné, et connaître sa valeur permet, au-delà de la simple notion de « record personnel » de force, de fixer correctement les charges d’entraînement en pourcentage du 1RM. La méthode de référence pour déterminer cette charge est assez évidente : on essaie toutes les charges jusqu’à ne plus pouvoir pousser … mais en pratique cela implique de nombreux efforts, de la fatigue, et un certain temps. D’autres méthodes ont été proposées permettant d’estimer le 1RM en connaissant le nombre de répétitions maximal à une charge donnée. Par exemple, si un athlète peut soulever 10 fois (et pas une de plus) une barre de 60 kg au développé-couché, alors on estime que 60 kg représentent 80 % de mon 1RM, qui vaut alors environ 75 kg. Cette approche indirecte est pratique pour une estimation rapide, mais peu précise car basée sur des données issues de populations testées qui n’ont pas forcément les mêmes caractéristiques que tout utilisateur de ces méthodes indirectes.

Cette dernière application, nommée Mylift utilise le principe de la capture vidéo du déplacement d’une barre de musculation pendant les exercices classiques de développé couché ou de squat. Sur la base du nombre d’images (donc du temps) s’écoulant entre le début et la fin de la poussée, l’application calcule la vitesse moyenne d’ascension de la barre. Ensuite, comme pour MyJump, en réalisant plusieurs essais avec des charges sous-maximales, l’application estime avec précision (validation dans une étude récente (Balsalobre-Fernández, Marchante, Muñoz-López, & Jiménez, 2018) la charge maximale qui pourrait être mobilisée (à une vitesse extrêmement faible donc) (Fig. 5). Cette approche se base sur le fait que la vitesse à laquelle chacun « pousse » sa propre charge de 1RM est assez stable et commune à tous les athlètes, alors que la charge de 1RM elle-même est très variable entre individus. Ainsi on détermine la charge maximale d’après la vitesse du mouvement, et non la force produite (Conceição, Fernandes, Lewis, Gonzaléz-Badillo, & Jimenéz-Reyes, 2016; González-Badillo & Sánchez-Medina, 2010).

thumbnail Fig. 5

(a) Quatre charges sous-maximales ont été poussées chacune le plus vite possible lors de développé-couchés, et le calcul du 1RM par l’application Mylift permet une estimation à 99 kg. (b) Pour aboutir à ce calcul, il suffit de renseigner la masse soulevée, filmer le geste et indiquer à l’application le moment du début de la poussée et celui de fin de poussée.

6 Applications et limites

Les applications possibles dans le suivi des sportifs (détection, entraînement, rééducation et retour à la pratique), ou tout simplement dans la meilleure connaissance de ses capacités physiques par les pratiquants de loisir sont nombreuses. L’avantage principal des outils présentés ici est qu’ils sont caractérisés par une combinaison très efficace entre le prix (quelques euros, à ajouter bien entendu au prix des appareils ou tablettes nécessaires), la facilité d’utilisation, la qualité des mesures validées contre des outils de référence et la base scientifique des concepts théoriques utilisés. En pratique, ce que les entraîneurs et préparateurs physiques recherchent, c’est la précision et la pertinence des mesures et des paramètres analysés, mais aussi et surtout leur accessibilité. Les variables physiologiques et biomécaniques les plus intéressantes ont longtemps été réservées à une élite ayant accès aux appareils coûteux et à l’expertise associée. Une des conséquences était qu’en pratique, on utilisait, faute de mieux, des informations peu pertinentes mais accessibles. Les applications présentées dans cet article annoncent un changement de perspective, précis ne veut plus forcément dire complexe et coûteux, et pertinent ne veut plus forcément dire inaccessible au plus grand nombre.

La principale limite de ces applications est qu’elles ne sont (pour l’instant) disponibles que sur environnement Apple, et ce pour deux raisons principales. Tout d’abord, tous les appareils iPhone et iPad les plus récents intègrent le ralenti vidéo à 240 images/s, qui conditionne la précision des mesures et calculs, ce qui n’est pas le cas des autres smartphones/tablettes actuellement sur le marché. Ensuite, étant développées par des chercheurs en sciences du sport et codeurs « amateurs » de façon indépendante, l’environnement Apple assure la stabilité de ces applications sur tous les supports de la marque à la pomme, ce qui serait beaucoup plus compliqué sur d’autres plateformes (des centaines d’appareils différents fonctionnent sous Androïd par exemple).

Enfin, comme pour tous les nouveaux outils d’aide à la performance qui se multiplient de nos jours, leur principal avantage se transforme souvent en limite : la facilité d’accès aux données. Il devient si simple de mesurer certaines variables biologiques qu’on finit par les accumuler et les stocker sans pour autant savoir leur faire « dire » tout ce qu’elles ont à « dire », et surtout sans bien comprendre ce qu’elles « disent » pour une bonne utilisation en pratique. Quantifier objectivement, précisément et simplement les qualités physiques des sportifs est primordial, mais cela ne simplifie pas la complexité des adaptations neurophysiologiques et biomécaniques cachées derrières toutes ces valeurs. De même, la simplicité apparente de ces outils ne doit pas masquer le besoin de rigueur dans la mise en place des mesures et des analyses, conformément aux instructions et tutoriels associés. Le non-respect de ces réglages, modalités de mesures et d’analyse des données peut entraîner des valeurs erronées, comme pour toute autre méthode d’exploration de l’exercice physique et du sport.

En résumé, les trois avantages de ces applications innovantes dans le domaine de l’évaluation de la performance sportive sont leur facilité d’utilisation et leur précision, comparé aux outils ou méthodes habituellement utilisés, leur validité appuyée par des études scientifiques publiées, et le fait qu’elles intègrent des méthodes d’analyses poussées. Elles ont déjà franchi le seuil des vestiaires et salles de musculation ou terrains d’entraînement dans de nombreuses structures sportives, centres de rééducations ou même laboratoires de recherche. Simple, pratique et fiable ne veut plus forcément dire inaccessible.

Références

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Citation de l’article : Morin J-B (2022) Applications smartphones pour l’analyse de la performance : un laboratoire dans votre poche. Mov Sport Sci/Sci Mot, 118, 61–68

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Illustrations issues du livre « Le Mouvement » d’E.J. Marey (1894). Étienne-Jules Marey (Beaune, 1830 – Paris, 1904), médecin et physiologiste français, successeur de Claude Bernard à l’Académie des sciences, dont il a été Président, a été un des précurseurs de l’analyse scientifique du mouvement, notamment à travers la création d’outils et méthodes d’observation photographique et cinématographique.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

(a) Mesure de la hauteur de saut avec l’application MyJump, il suffit de cliquer sur l’écran en visionnant le saut au ralenti quand les pieds décollent et reviennent au sol. (b) Après quelques sauts supplémentaires avec charges additionnelles, l’application calcule le profil musculaire force-vitesse complet de l’athlète, et surtout, indique la piste de travail pour améliorer la performance en saut de façon individualisée. Ici, la puissance maximale de l’athlète est de 23,7 W/kg, et le déséquilibre force-vitesse (écart entre le profil réel en noir et le profil idéal calculé en rouge d’après Samozino et al. (2012) indique qu’un travail de force sera nécessaire pour rééquilibrer le profil. La prochaine évaluation permettra de quantifier les progrès et d’ajuster le programme si nécessaire.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

(a) Identification des temps de passage tous les 5 m avec l’application MySprint, il suffit de cliquer sur l’écran en visionnant le passage du bassin dans l’axe du marqueur de distance. (b) Après avoir identifié tous les temps de passage, l’application calcule le profil musculaire force-vitesse en sprint de l’athlète, ainsi que son efficacité mécanique (la façon dont il oriente la force lors de la poussée au sol). Comme pour MyJump, les données sont stockées dans le dossier de l’athlète et prêtes à envoyer par émail sous forme de tableur pour d’éventuelles analyses plus approfondies, ou un suivi de l’entraînement.

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

(a) Identification des temps de contact du pied au sol et des phases de vol pour plusieurs pas consécutifs. (b) L’application liste les différentes caractéristiques mécaniques de la foulée, pour chaque jambe, et calcule l’asymétrie entre la jambe gauche et la droite (ici concernant le temps de contact au sol). (c) Le bilan de chaque mesure est affiché sur un seul écran, et un suivi dans le temps est effectué pour chaque profil d’utilisateur enregistré.

Dans le texte
thumbnail Fig. 5

(a) Quatre charges sous-maximales ont été poussées chacune le plus vite possible lors de développé-couchés, et le calcul du 1RM par l’application Mylift permet une estimation à 99 kg. (b) Pour aboutir à ce calcul, il suffit de renseigner la masse soulevée, filmer le geste et indiquer à l’application le moment du début de la poussée et celui de fin de poussée.

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