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DOI | https://doi.org/10.1051/sm/2025020 | |
Publié en ligne | 14 mai 2025 |
Article
Musculation scolaire et déterminisme décisionnel : une spécification du corps par le genre
School bodybuilding and decision-making determinism: a gendered body specification
1
Université de Reims Champagne-Ardenne, Laboratoire PSMS (UR 7507), Reims, France
2
CY Cergy Paris Université, CY-ILEPS, Cergy, France
3
Université de Strasbourg, Faculté des Sciences du Sport de Strasbourg, Strasbourg, France
* Auteur correspondant : m.lorieux@ileps.fr
Reçu :
2
Octobre
2024
Accepté :
22
Avril
2025
Dans un contexte où la surmédiatisation des corps structure le rapport de l’individu à son environnement et sa propre image à travers une dichotomie sexuée, ces travaux de recherche visent à interroger l’impact des stéréotypes incorporés par les élèves sur les choix opérés dans une séquence de musculation scolaire. L’identification des représentations des élèves, au regard des différents paradigmes de pratique en musculation et des “thèmes d’entraînement” affichés par le législateur (Ministère de l’Éducation Nationale) depuis 2010, permet d’observer l’évolution du rapport entretenu avec le corps et l’activité. Dans ce cadre, le recueil exhaustif des données notées par les élèves dans leurs carnets d’entraînement, en parallèle de l’analyse de leur genre psychologique grâce à la version simplifiée du Bem Sex-Role Inventory, illustre la relation entre les normes incorporées et les décisions réalisées in situ. Cette mise en relation des décisions structurant l’activité des élèves, et des tendances psychologiques et sociales associées à ces dernières tend à montrer la perpétuation des normes de sexe incorporées, autour d’une dialectique féminin/masculin, dans les choix réalisés en musculation scolaire. Le choix des muscles travaillés, du thème d’entraînement sélectionné et des justifications apportées se spécifie largement au prisme des rapports sociaux de genre.
Abstract
In a context where the excessive media exposure of bodies defines the individual’s relationship to its environment and its own image through a gendered dichotomy, this research work aims to question the impact of stereotypes incorporated by students on the choices made in a school bodybuilding sequence. By identifying the students’ representations of the different paradigms of bodybuilding practice and the "training themes" set out by the legislator (Ministry of National Education) since 2010, it is possible for us to observe the evolution of the relationship maintained with the body and activity. In this context, the exhaustive collection of data recorded by the students in their training diaries, alongside the analysis of their psychological gender using the simplified version of the Bem Sex-Role Inventory, illustrates the relationship between incorporated norms and decisions made in situations. This comparison of the decisions structuring the students’ activity, and the psychological and social tendencies associated with them, tends to show the perpetuation of incorporated gender norms, around a feminine/masculine dialectic, in the choices made in school bodybuilding. The choice of muscles worked, the training theme selected and the justifications given are largely specified through the prism of gender relations.
Mots clés : Éducation Physique et Sportive / Stéréotypes sexués / Représentations / Adolescence / Construction corporelle
Key words: Physical education / Gender stereotypes / Representations / Adolescence / Physical construction
© M. Lorieux et D. Demeer, Hosted by EDP Sciences, 2025
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
1 Introduction
Aujourd’hui, la diversification des questionnements associés à la thématique du genre, tant sur le plan scientifique que social (Beaubatie, 2021), entraîne l’émergence de nouvelles considérations concernant le corps, sa construction et ses représentations. Au centre de ces discussions, le concept de “genre” cristallise une dialectique, tantôt perçu comme une source d’affirmation de soi par son corps et ses comportements (Andrieu, 2010), tantôt comme le produit d’un conditionnement social (Vallet, 2009). En effet, si la construction psychologique du genre, via les conduites, traits de caractères et attitudes d’un individu (Bem, 1974) témoigne de la trajectoire autonome de son vécu, ce-dernier est amené dès sa naissance (par le biais de son attribution sexuelle) à exprimer une hexis corporelle genrée, en tant que « rapport durable et généralisé au corps » (Bourdieu, 1977), engendré et renforcé par les schèmes de perception et d’appréciation intériorisés (Bourdieu, 1977). Dans ce cadre, bien que l’École participe à la construction identitaire des jeunes, en leur permettant de « se développer en tant qu’individu » (Cousinet, 1959), elle reflète aussi les phénomènes de groupe et les stéréotypes véhiculés socialement. Il en résulte une dynamique de conformisme, structurant les comportements des adolescents, leurs décisions, leurs idéaux ou plus généralement leur apparence (Hernandez, Oubrayrie-Roussel, & Prêteur, 2014). Ainsi, la socialisation primaire (Glevarec, 2010) puis secondaire (Caron, 2014) construit et accentue les modèles et normes en matière de genre, amenant les élèves à « se positionner activement comme garçon ou comme fille » de manière asymétrique et hiérarchisée, par leurs activités et leurs interactions (Duru-Bellat, 2010). La construction du genre témoigne ainsi d’un phénomène de normalisation sociale, visant à réduire la complexité des individus au prisme de deux ensembles d’attributs opposés : le féminin et le masculin (Magne, Lagabrielle, & Felonneau, 2018). Cette réalité d’assignation du genre, construite dès le plus jeune âge (Roskam & Rouyer, 2021) et les troubles de plus en plus précoces qui en résultent sont exacerbés à l’adolescence (Hiridjee, 2021). En effet, la transformation pubertaire des corps accentue l’appartenance “apparente” à une catégorie de genre par le biais de « caractères sexués secondaires » (Chiland, 2014), pouvant mener les individus au refus voire au rejet du genre d’assignation. Pour la place qu’elle occupe lors de cette période entre 3 et 18 ans, l’École, lieu d’une « socialisation méthodique » (Dubreucq, 2017), de libération et d’épanouissement (Florin & Guimard, 2017) peut-elle faire barrière aux « stéréotypes qui enferment nos élèves dans un système de représentations » (Belloubet, 2024) ? Ou bien la « pression à la conformité » (Duru-Bellat, 1995) par la reproduction d’un modèle dichotomique du genre serait-elle trop importante ? Le corps, lieu de transformations physiologiques, porteur de représentations sociales mais aussi vecteur de communication, est un des marqueurs témoignant du genre en construction chez l’adolescent. À ce titre, la mise en jeu corporelle des élèves à l’École, notamment lors des leçons d’Éducation Physique et Sportive (EPS), fait transparaître certaines réticences liées au refus de se montrer et à la passivité (Cheval, Chalabaev, & Chanal, 2015), le plus souvent liées à la mobilisation de références sportives (Combaz & Hoibian, 2008) et culturelles (Davisse, 2010) à connotation étroitement masculine. En effet, les représentations véhiculées par l’EPS peuvent s’avérer à l’origine de gênes voire de malaises lorsqu’il s’agit de mettre son corps en action (Lentillon, 2009) : l’apparence physique constituant la première préoccupation des adolescents, à la fois révélatrice de santé et organisatrice des rapports sociaux entre individus (Duclos, Laporte, & Ross, 2002). Dans ce cadre, l’impact d’activités physiques socialement marquées par le genre (Louveau & Davisse, 1997 ; Vigneron, 2006) sur l’image de soi et la construction identitaire soulève des interrogations profondes et la musculation scolaire telle que proposée n’y échappe pas. Au-delà des actions des professeurs dans la manière de conduire leurs enseignements, le choix même du législateur de proposer une activité comme la musculation à l’École est-il cohérent pour lutter contre les « stéréotypes sociaux ou sexués » (MENJ, 2019) ? Ne pourrait-il pas y avoir à moyen terme des effets néfastes plus marqués encore sur l’image de soi, tant par le biais de la pratique sociale elle-même que par la mise en jeu de son corps et de ses décisions dans un cadre collectif ?
Selon l’OMS, 90 % des adolescents français sont actifs quotidiennement sur les médias sociaux et 42 % en ont un usage intensif voire problématique (Boniel-Nissim et al., 2024). Dans ce cadre, l’exposition des jeunes à des archétypes corporels idéalisés passe particulièrement par la promotion des activités de la forme sur les réseaux : « l’exposition du corps y est devenue omniprésente, et par conséquent primordiale pour espérer une valorisation sociale » (Vallet, 2022). Plus largement, l’incorporation de ces codes esthétiques résulte d’une exhibition systématique des plastiques valorisées (Sohn, 2006), démocratisée notamment par les influenceurs ou les émissions de télé-réalité (Vallet, 2022). Concrètement, il s’agit d’ « asseoir [son] attractivité dans un monde où l’image est plébiscitée car elle permet de catégoriser rapidement les individus » (Vallet, 2022), notamment dans le cadre de l’accélération caractéristique de la société moderne (Rosa, 2013). Ainsi, les attributs corporels donnés à voir sur les réseaux sociaux se spécifient au prisme du genre, notamment grâce à des cadrages spécifiques ou des axes de prise de vue destinés à souligner les courbes (Tiggemann & Zaccardo, 2015) : poitrine, fesses, hanche pour les femmes (Tiggemann & Zaccardo, 2015) ; bras, épaules, abdominaux pour les hommes (Chatzopoulou, Filieri, & Dogruyol, 2020). Dès lors, les pratiques centrées sur le développement corporel (musculation, cross-training, cardio-fitness, etc.), enseignées à l’école, et plus particulièrement au lycée, ne viendraient-elles pas renforcer ces représentations genrées malgré les tentatives du législateur d’aller à l’encontre de ces derniers « via des pratiques pédagogiques non stéréotypées » (Belloubet, 2024) ? La question est légitime dans la mesure où les pressions psychologiques et sociales peuvent aller jusqu’au harcèlement scolaire (Bouchet, Garner, & Vors, 2018 ; Journal officiel de la République Française, 2022) lorsque les corps des adolescents s’éloignent des normes esthétiques de genre (Chatzopoulou et al., 2020). Ces stigmatisations relatives au corps (apparence physique, sexe, identité de genre) (MENJ, 2022) peuvent alors impacter la santé mentale des élèves et provoquer boulimie, anorexie, dysmorphie (Pope, Gruber, Choi, Olivardia, & Phillips, 1997) et autres pathologies psychologiques telles que les troubles obsessionnels avec préoccupation concernant l’apparence physique, l’anxiété sociale ou encore le trouble dépressif (American Psychiatry Association, 2022).
Pratique initialement hygiénique et destinée à entretenir sa santé, la musculation revêt désormais un caractère esthétique notable où domine le culte de la plastique physique et de la comparaison sociale des corps (Gleyse, 2018). Corrélées à ce paradigme de l’apparence, les normes en matière de beauté (Travaillot, 1998) apparaissent maintenant conditionnées par une « mise en culture des corps », spécifiant le genre par le physique (Andrieu, Boëtsch, & Chevé, 2011). Dans ce cadre, Quidu et Bohuon (2022) montrent que la méthode Lafay, fortement popularisée et vendue dans les années 2000, se structure et se différencie au prisme du sexe, notamment par un vocabulaire qualifiant les attributs corporels de genre à développer : « une poitrine ferme et remodelée » ; « des bras galbés » (Lafay, 2005). Cette dichotomie homme/femme, bâtie sur des stéréotypes corporels de genre opposant puissance et silhouette, force et tonicité, est même ouvertement défendue par la Fédération Française d’Haltérophilie – Musculation (FFHM, 2022). Cette instance fédérale institutionnalise, à travers différentes actions (par exemple son plan de féminisation « silhouette halter » (FFHM, 2022)), un développement du corps par le genre, légitimant ainsi les codes sociaux en vigueur : « rassurez-vous mesdames, la pratique de la Musculation ne vous donnera pas de gros muscles, mais au contraire une silhouette plus fine et plus tonique ! Pour les hommes, une pratique régulière vous permettra de développer vos pectoraux, d’avoir un dos puissant, des épaules plus larges… » (FFHM, 2022). Comment l’usage d’une activité de cette ampleur (la musculation est la deuxième activité la plus pratiquée en lycée général et technologique et la première en lycée professionnel (Commission Nationale d’Évaluation de l’EPS, 2024)), marquée par de tels stéréotypes et une telle différenciation des modalités de pratique par le genre, peut-elle, dans le cadre scolaire, encourager les élèves à s’engager dans le développement personnel de leur corps ? La musculation peut-elle véritablement favoriser l’éducation au choix, malgré le conditionnement social des élèves aux normes de genre auquel elle contribue ?
Précisons que la musculation au lycée est une forme de pratique scolaire de la musculation sociale ou fédérale, à même de répondre aux enjeux éducatifs de l’EPS (MENESR, 2015). Ce développement scolaire de la musculation – depuis son introduction dans les programmes du lycée de 2001 (MEN, 2001) – peut être interprété comme une tentative institutionnelle et professionnelle de réponse à la popularisation de la musculation comme nouvelle pratique de la jeunesse (UNION sport & cycle & IPSOS, 2017). Mais cette tendance s’inscrit surtout dans une dynamique de développement des politiques éducatives en matière de mixité, d’égalité des sexes (Pasquier, 2013) et d’« habitus santé » (Mérand & Dhellemmes, 1988) face à une population de plus en plus sédentaire et sujette à l’obésité. Plus concrètement, dans cette musculation scolaire conçue comme une « éducation à faire des choix », l’élève doit organiser sa pratique physique en lien avec des « effets recherchés selon son projet personnel » (MENJ, 2019). Mais comment s’assurer de ce processus de scolarisation de l’activité (Arnaud, Clément, & Herr, 1989 ; Attali & Saint-Martin, 2004) ? En effet, les thèmes d’entrainement1 proposés aux élèves : « rechercher un gain de puissance et/ou d’explosivité musculaire » ; « rechercher un gain de tonification, de renforcement musculaire, d’endurance de force » ; « rechercher un gain de volume musculaire »2 (Académie de Nancy-Metz, 2021), interrogent dans la mesure où les choix des adolescents (effets recherchés, projet personnel) s’inscrivent, du moins en partie, dans une dynamique de conformisme physique. En effet, cet alignement de la pratique scolaire sur la pratique sociale, promouvant la « tonicité » pour les filles et la « force » pour les garçons (FFHM, 2022), participe à spécifier les corps par le genre. Dès lors, les choix opérés ne se fondent pas seulement sur des préférences ou des buts individuels mais relèvent aussi d’une stratégie visant à démontrer par ses actions, l’appartenance à un groupe de pairs, en recherchant notamment « approbation sociale, statut et prestige ou affection » (Wittek, Snijders, & Nee, 2013).
2 Hypothèses et objectifs
2.1 Hypothèses
Ces réflexions préalables nous interrogent lorsqu’il s’agit d’analyser la façon dont le genre marque voire structure les comportements décisionnels des élèves mettant en jeu leurs corps en EPS. Nous émettons alors trois hypothèses, articulant la suite de nos travaux.
2.1.1 L’activité musculation amplifie les représentations genrées des élèves en EPS
La musculation scolaire constituerait pour les élèves un terrain propice pour renforcer de nouveaux idéaux corporels, à même de structurer leurs représentations. Dans la mesure où les conduites stéréotypées, notamment celles liées au genre, prennent ancrage dans les apprentissages sociaux et les « croyances populaires concernant les attributs » (Mackie, 1973), nous pensons que la pratique de la musculation scolaire, en tant qu’environnement faisant culture et autorité, favorise l’assimilation de normes et de codes sociaux ; parfois partagés, parfois différenciés. De plus, les thèmes d’entrainement en musculation scolaire proposés aux élèves : « puissance et/ou explosivité » ; « tonification, renforcement, endurance de force » ; « volume musculaire » (Académie de Nancy-Metz, 2021) semblent découler d’une perspective plus large (fédérale voire sociale ?) renforçant par conditionnement les stéréotypes corporels de genre chez les élèves.
2.1.2 Les représentations stéréotypées des élèves déterminent leurs choix d’engagement dans l’activité
Le rapport des élèves à la musculation impacterait de manière significative leurs choix au moment de se projeter dans l’activité, dans la mesure où les normes incorporées constitueraient un référentiel d’action privilégié dans le processus décisionnel. Lorsqu’il s’agit de faire des choix dans la construction de leur entraînement, les élèves mettent « en œuvre le meilleur moyen pour maximiser [leurs] satisfactions étant donné [leurs] croyances » (Mauroy, 2018). Les choix des élèves oscillent donc entre influences sociales et expression personnelle. Cette confusion semble refléter une dynamique de revendication et d’appartenance à un groupe de pairs (Chaserant, Girard, & Pietri, 2016), dans un but de reconnaissance sociale, parfois indépendamment de leurs préférences individuelles. Bien qu’un travail centré sur les effets personnels soit encouragé par l’Institution, nous pensons que le capital social des élèves (dont leurs représentations) est à la fois source et finalité du processus décisionnel (Flap & Völker, 2003). En effet, les représentations et donc les préférences préalables des élèves structurent l’anticipation et facilitent (voire guident) la prise de décision. Au-delà du thème d’entraînement, nous imaginons que ce phénomène sera aussi observable lorsque nous analyserons le choix des muscles travaillés par les élèves.
2.1.3 Les justifications des choix évoquées par les élèves sont révélatrices des représentations de genre incorporées
Enfin, tout porte à croire qu’il en sera de même au moment d’interroger les justifications proposées par les élèves (MENJS, 2022). Nous analyserons les raisons avancées par ces derniers concernant leurs « choix lucides » (MENJ, 2019) qui vraisemblablement relèveraient davantage d’une recherche d’approbation par l’endogroupe, plus que de l’expression personnelle des causes à l’origine de ces choix. Dans la mesure où ce qui est « normal » structure la prise de décision individuelle, les justifications proposées confirmeraient les stéréotypes préconçus et véhiculés par les groupes d’appartenance des élèves (Duru-Bellat, 2016). Pour autant, nous n’omettons pas l’éventualité d’observer une autre forme de conformisme en matière de justification. Assurément, puisque le législateur, et par voie de conséquence les enseignants, insistent sur la singularisation des justifications en lien avec des effets personnels recherchés, nous pourrions potentiellement assister à une sorte de conformisme scolaire où les élèves expliqueraient leurs choix par des attentes académiques, dissimulant par ce biais d’autres déterminants. Cela pourrait s’expliquer par le protocole d’évaluation (MENJS, 2022) mis en place en musculation qui « fait référence à un carnet de suivi » où les choix « motivés » des élèves sont répertoriés.
2.2 Objectifs
Première interface entre soi et l’autre, le corps fait l’objet d’un ensemble de stéréotypes et de représentations « incorporés » en faisant paraître une certaine image de l’individu. Dans ce cadre : « en tant que j’ai un corps, je peux être réduit en objet sous le regard d’autrui et ne plus compter pour lui comme personne » (Merleau-Ponty, 1945). La musculation scolaire, de par la mise en jeu ciblée du corps des élèves et les choix qui en résultent, pourrait véhiculer la stigmatisation sociale et décisionnelle contre laquelle elle s’oppose pourtant, afin de justifier sa place à l’École. L’analyse des stéréotypes de « genre » véhiculés en EPS – et par voie de conséquence, les implications « psychologiques, comportementales et sociales » (American Psychiatry Association, 2022) des élèves – constituent donc notre principal objet d’étude. Nous démontrerons que le réinvestissement et la perpétuation de ces représentations dans l’activité des élèves sont récurrents et tendent à écarter du processus décisionnel les facteurs intrinsèques et expérientiels propres à l’individu (Saury et al., 2013). Nous cherchons ainsi à déterminer en quoi la capacité des élèves à « réaliser et orienter son activité physique pour développer ses ressources et s’entretenir » (MENJ, 2019) pourrait être impactée voire limitée par un ancrage de leurs choix dans les stéréotypes corporels assimilés. Plus précisément, il s’agira d’identifier les représentations des élèves concernant le corps et la musculation, ainsi que leur processus de transformation au cours de la séquence. Afin de mettre en relation les normes de genre incorporées et leurs conséquences sur les décisions en musculation scolaire, nous recenserons également l’ensemble des choix réalisés par les élèves – notamment lors des phases de conception et de bilan (MENJS, 2022) – pour comprendre les tendances semblant déterminer l’expression de leurs préférences, tant en matière de thème d’entraînement que de muscles prioritairement sollicités.
3 Méthodologie de recherche
3.1 Public ciblé
Cette étude, en s’intéressant aux représentations et aux choix d’élèves de Terminale Générale et Technologique, s’appuie sur la spécificité du rapport au corps des adolescents de cette tranche d’âge : fortement marqué par la question de l’apparence (Duclos et al., 2002). Dans un contexte de bouleversement corporel (Nilsson & Baron, 2004), de construction identitaire (Erikson, 1968) et de socialisation au genre (Balleys, 2017), les choix réalisés par les élèves dans l’activité musculation – caractérisée par le développement ciblé de zones corporelles privilégiées – questionnent la relation entre stéréotypes de genre et liberté individuelle. Le lycée ayant pour mission la formation des futurs adultes à la « lucidité » (MENJ, 2019) tout en proposant une ouverture sur le monde, l’impact des pratiques scolaires en EPS sur la socialisation au genre doit alors être interrogé. Plus encore, la spécificité de la séquence de musculation vécue par les élèves de Terminale (âgés de 16 à 18 ans) réside dans leur choix en début d’année de cette activité physique parmi différents “menus”. Nous supposons ainsi que les élèves du panel (33 filles pour 19 garçons), par leur rapport positif à la pratique (26,92 % pratiquant la musculation en dehors de l’EPS (7 filles pour 7 garçons) et 30,77 % (5 filles pour 11 garçons) une autre activité sportive, pour 42,31 % d’inactifs (21 filles pour 1 garçon)), sont ceux étant les plus susceptibles de pratiquer la musculation après les études secondaires et donc de réinvestir les connaissances et représentations construites dans le champ scolaire. La spécificité de l’établissement dans lequel s’inscrit cette recherche réside dans son contexte socio-culturel défavorisé (60 % des élèves sont issus de PCS défavorisées), que nous appréhendons comme une variable contrôlée, à même de mettre particulièrement en évidence certaines problématiques associées au genre. D’une part, les stéréotypes de genre apparaissent éminemment marqués au sein des milieux populaires, à travers des normes de virilité et de féminité amplifiées et discordantes (Faure, 2008 ; Guérandel, 2008) impliquant une mise à distance des filles et des garçons (Beaud & Pialoux, 2003). Et d’autre part, ces « contextes difficiles » tendent à exacerber les phénomènes à l’œuvre dans le champ social à travers un « effet loupe » (Vors, Sève, & Mathé, 2018) ; intensifiant les représentations sociales et les comportements des élèves, notamment l’incorporation et la reproduction en actes des phénomènes de genre.
3.2 Méthode de recueil
Par la définition plurielle du genre, résidant à la fois dans l’identification individuelle ressentie et dans l’ensemble de normes et d’attributs caractérisant socialement le sexe, nous avons cherché à mettre en relation différents ancrages théoriques ; d’une part psychologique (Bem, 1974) et d’autre part, sociologique (Combessie, 2007) au service d’une analyse quantitative. En lien avec la psychologie du genre (Bem, 1974), nous nous sommes appuyés sur la version simplifiée du test « Bem Sex-Role Inventory » (BSRI) (Fontayne, Sarrazin, & Famose, 2000) afin de déterminer l’identité de genre des élèves du panel et vérifier si ce facteur impliquait certaines dynamiques sociales et/ou décisionnelles. Nous avons demandé aux élèves de se situer sur 18 items correspondant à des traits psychologiques identifiés et validés comme significativement féminins ou masculins (Fontayne et al., 2000), grâce à une échelle de Likert composée de sept échelons : de « toujours vrai » à « jamais vrai ». Concrètement, les dix items “féminins” faisaient écho aux facteurs “tendresse” et “sensibilité” (par exemple : “J’aime rendre service”) ; les huit items “masculins” aux facteurs “athlétique”, “leadership” et “confiance en soi” (par exemple : “Je suis sûr(e) de moi”) (Fontayne et al., 2000). Notons que l’association entre ces différents traits psychologiques et le “concept de soi lié au genre” (Fontayne et al., 2000) a notamment été validée auprès d’adolescents français issus d’établissements scolaires de région parisienne socialement mixtes, soit dans un contexte relativement proche du public concerné par cette étude.
Parallèlement, dans une perspective sociologique (Combessie, 2007), nous avons distribué aux élèves en début (leçon 3) et en fin de séquence (leçon 8) un questionnaire destiné à déterminer leurs représentations corporelles. Ce questionnaire a été complété individuellement par les élèves, en présence du chercheur (pour répondre à d’éventuelles interrogations) en début de leçon. Conçu sur la base des tendances esthétiques identifiées socialement (Tiggemann & Zaccardo, 2015 ; Chatzopoulou et al., 2020) et des injonctions institutionnelles de 2010 pour la musculation scolaire (MENJVA & DGESCO, 2011), ce questionnaire repose sur la hiérarchisation par les élèves de quatre réponses sous la forme d’un Condorcet, c’est-à-dire de l’option préférée à celle la moins appréciée3, afin d’identifier les dynamiques sociales structurant leur rapport au corps. Nous pouvons, par ce biais, mettre en évidence les représentations et préoccupations corporelles (thème d’entraînement, muscles mais également rapport au corps) dominantes chez les élèves.
Enfin, nous avons comptabilisé et analysé de manière exhaustive, l’ensemble des données répertoriées dans le carnet d’entraînement des élèves entre la leçon 3 et la leçon 8. En effet, le carnet d’entraînement est à la fois un outil de suivi de l’activité de l’élève mais également une attente institutionnelle en matière d’évaluation puisque ce dernier prend une part non négligeable de la note au baccalauréat d’EPS (MENJS, 2022). Dans ce cadre, les élèves sont amenés à concevoir, réguler et justifier leur projet personnel d’entraînement, en répertoriant les exercices effectués et en réalisant un retour post-activité. La réalisation de ce relevé tout au long de la séquence nous permet d’identifier une éventuelle transformation des comportements décisionnels des élèves. Les données relatives au choix relevées dans ces carnets sont triples, en lien avec les propositions professionnelles réalisées dans l’activité (Dietsch, 2013 ; Pozzo, 2021) : le thème d’entraînement sélectionné (Volume, Puissance, Endurance)4, les muscles sollicités au cours de la séquence et la nature des justifications évoquées par l’élève pour légitimer ses choix5. Nous prenons également soin de distinguer dans les carnets des élèves, ceux étant “actifs” (pratiquant une activité sportive extrascolaire, en identifiant notamment ceux pratiquant la musculation) et inactifs. En effet, le capital social, physique et culturel initié par la pratique physique (Pociello, 1981) pourrait être facteur d’atténuation de certains phénomènes.
Il s’agira ensuite de questionner la systémie entre l’identité de genre, les représentations du corps et leurs véritables impacts sur l’activité décisionnelle des élèves en EPS (thème, muscles), au regard des raisons structurants les choix réalisés (justifications).
4 Résultats
4.1 Des représentations stéréotypées du corps qui tendent à s’amplifier
En début de séquence, nous remarquons que les relations entretenues par les élèves avec leur corps révèlent une certaine dichotomie genrée lorsqu’il s’agit pour ces derniers d’identifier la ”partie préférée de son corps”. En effet, si les garçons mettent très largement en avant leurs bras (à 42,11 %), leur dos et leurs pectoraux (à 31,58 %), les filles privilégient leurs fesses et leurs cuisses (à 54, 84 %), conformément aux normes corporelles en vigueur dans la société (Tiggemann & Zaccardo, 2015 ; Chatzopoulou et al., 2020). Notons que l’identité psychologique de genre déterminée chez les élèves du panel tend à corréler cette dynamique de spécification corporelle. En effet, les élèves identifiés comme “masculins” valorisent particulièrement leurs bras (à 50,00 %), leurs dos et leurs pectoraux (à 33,33 %) tandis que ceux genrés “féminins” privilégient largement leurs fesses et leurs cuisses (à 54,55 %). La concordance entre cette tendance psychologique et celle résultant du sexe biologique, ainsi que leur persistance à l’échelle de la séquence, tend à mettre en évidence un phénomène d’incorporation des attributs de genre permettant la distinction corporelle et sociale. En effet, dans un contexte marqué par l’augmentation du temps quotidien passé sur les réseaux (Global Web Index, 2022), l’exposition des élèves à des représentations idéalisées du corps (Sheldon & Bryant, 2016) tend à structurer en profondeur leur rapport au genre, en lien avec un « agrandissement de l’idée de soi ou des objets d’amour et d’investissement » (Bourdin, 2013) au cours de l’adolescence. Cette distinction genrée tend même vers l’opposition lorsque les garçons déprécient majoritairement leurs fesses et leurs cuisses (à 57,89 %) et que les filles rejettent principalement leur dos, leurs pectoraux (à 29,03 %) ainsi que leurs abdominaux (à 38,7 %). Cette dynamique de rejet corporel s’amplifie au cours de la séquence lorsqu’en leçon 8, les garçons sont plus nombreux à déprécier leurs fesses et leurs cuisses (à 63,16 %, soit +5,27 points) et que les filles excluent encore davantage leurs bras (à 29,03 %, soit +9,68 points), leur dos et leurs pectoraux (à 45,16 %, soit +16,13 points). En d’autres termes, la perpétuation de préférences corporelles genrées au cours de la séquence se double d’une dynamique de distinction plastique, par le rejet des zones socialement attribuées à l’autre sexe. Cette différenciation du rapport à son propre corps entre filles et garçons, amplifiée au cours de la séquence de musculation, témoigne de la place des stéréotypes corporels de genre comme outil de reconnaissance sociale, légitimant l’individu au sein de l’endogroupe (formalisé par le sexe d’appartenance) à condition de s’écarter de l’exogroupe (formalisé par l’autre sexe). Dans ce cadre, « plus que de différence, il s’agit en réalité d’opposition – être un garçon ce n’est pas être une fille, et inversement » (Clair, 2011).
Plus encore, les préférences plastiques personnelles des élèves se doublent d’un ensemble de stéréotypes de corps, intégrés et projetés sur les autres. En questionnant les élèves sur les qualités “idéales” qu’ils attribueraient à un corps masculin et à un corps féminin, sur la base des thèmes d’entraînement structurant la profession depuis 2010 (Dietsch, 2013 ; Pozzo, 2021) et la pratique scolaire de la musculation (MENJVA & DGESCO, 2011), nous avons mis en évidence une véritable homogénéité des représentations genrées. L’ensemble du panel – filles comme garçons – s’accorde à reconnaître comme qualité prioritaire pour le corps d’une femme la « silhouette » (à 69,39 %), devant « l’endurance » (à 20,41 %), tout en écartant très largement « le volume musculaire » (à 57,14 %) et « la puissance » (à 34,69 %). Les représentations des élèves semblent ainsi particulièrement impactées par la plastique féminine véhiculée dans la société et sur les réseaux, centrée sur la finesse et sur la tonicité, faisant de la beauté le « capital essentiel » féminin (Travaillot, 1998).
La vision des qualités corporelles pour un homme, partagée par les élèves, entre en opposition drastique avec leur vision du corps féminin. La silhouette (à 32,65 %) et l’endurance (à 38,78 %) sont en effet les qualités considérées comme les plus éloignées de l’idéal masculin, tandis que le volume musculaire (à 24,49 %) et la puissance (à 28,57 %) sont largement valorisées par le public analysé. Notons tout de même la prédominance de « la silhouette » dans les qualités valorisées par un grand nombre d’élèves (avec 32,65 %), du fait notamment des attributs masculins pouvant y être associés, à l’instar des qualificatifs « sculpté » et « taillé » mentionnés par les élèves. Dès lors, si le rapport corporel des élèves au genre masculin révèle une dimension esthétique lorsqu’il s’agit d’être « plus musclé » et « plus galbé » (Chatzopoulou et al., 2020), il souligne également l’importance pour l’homme de « posséder des qualités organiques invisibles ou cachées qui le prédisposent à l’action » (Louveau, 1981). Dès lors, les représentations projetées par les élèves sur le corps se structurent autour d’une dichotomie genrée et partagée, quel que soit le sexe, la pratique physique extrascolaire ou le genre psychologique. En d’autres termes, l’incorporation sociale des stéréotypes corporels tend à prendre le pas sur la construction individuelle de l’identité de genre, en faisant culture et consensus au sein du panel. Plus encore, ces représentations – en opposant distinctement les attributs sociaux féminins et masculins – impliquent une spécification des corps à la fois dans leur dimension plastique (la silhouette / le volume musculaire) et dans leurs qualités physiques intrinsèques (l’endurance / la puissance). Dans ce cadre, notons l’assimilation plus importante du corps féminin aux qualités centrées sur l’esthétique corporelle : le volume musculaire et la silhouette constituant 71,43 % des préférences (respectivement 2,04 % et 69,39 %), contre 57,14 % pour le corps masculin (respectivement 24,49 % et 32,65 %). Force est ainsi de constater l’importance accrue de la plastique pour les filles lorsqu’il est question de définir le corps valorisé dans le champ social.
Au-delà de cette assimilation importante des stéréotypes de corps et de genre en vigueur dans la société, la séquence de musculation vécue par les élèves apparaît comme un facteur significatif dans l’évolution de leurs représentations. Ainsi, les données obtenues en leçon 8 mettent en évidence un renforcement des tendances importantes déjà observées en leçon 3. Les qualités corporelles précédemment recherchées s’inscrivent encore davantage dans la norme sociale partagée au sein de la classe, à savoir la silhouette pour les filles (à 75,51 %, soit +6,12 points), la puissance et le volume musculaire pour les garçons (à 63,26 %, soit + 10,20 points). Dans ce cadre, apparaît en leçon 8 un phénomène de survalorisation par les filles des attributs féminins « idéaux » (notamment la « silhouette », avec +9,00 points par rapport aux garçons) et par les garçons des attributs masculins « idéaux » (+13,59 points par rapport aux filles pour la sélection des qualités « puissance » et « volume musculaire »). Autrement dit, les filles comme les garçons seraient davantage porteurs de stéréotypes corporels concernant leur genre à l’issue de la séquence de musculation, s’inscrivant ainsi dans une dynamique d’auto-préservation des représentations intériorisées. L’incorporation poussée des qualités corporelles associées à l’endogroupe met en évidence un besoin d’identification sociale des élèves, notamment dans le cadre de l’adolescence (Duru-Bellat, 2016), ainsi qu’un renforcement du système de normes organisant le groupe de pairs au sein de l’activité. L’amplification de ces stéréotypes au cours de la séquence révèle alors une double dynamique, tant dans la perception du corps des autres dans la société que dans la relation personnelle entretenue avec sa propre corporéité.
4.2 Des choix genrés conformes aux représentations corporelles
L’analyse du carnet d’entraînement des élèves du panel nous permet d’accéder aux différents choix réalisés sur l’ensemble de la séquence. Dans ce cadre, les dynamiques décisionnelles observées tendent à se spécifier au prisme du sexe des élèves. En effet, si les filles choisissent prioritairement le thème « Volume » (à 66,67 %), les garçons préfèrent le thème « Puissance » (à 55,00 %), conformément aux représentations de genre de l’ensemble du panel quant aux qualités corporelles « idéales » à acquérir (voir paragraphe précédent). La silhouette et l’esthétique physique se révèlent ainsi prédominantes dans le choix du thème d’entraînement par les filles de Terminale. Le thème « Endurance », uniquement sélectionné par les filles (pour 9,10 % d’entre-elles) met en évidence « en actes » l’importance de cette seconde qualité dans les représentations des élèves. A contrario, son absence chez les garçons semble confirmer l’hypothèse selon laquelle la masculinité doit s’exprimer et se donner à voir par la démonstration d’une performance physique (Davisse & Louveau, 2005) : le thème « Endurance » ne mobilisant qu’une faible charge de travail. Plus précisément, l’importante sélection du thème « Puissance » par les garçons est révélatrice de la perpétuation de stéréotypes performatifs intrinsèquement associés aux corps masculins ; la corporéité devant s’exprimer par l’action pour être conforme au genre (Louveau, 1981). De plus, 45,00 % des garçons choisissent le thème « Volume », à l’instar de leurs représentations portées sur les qualités « silhouette » et « volume musculaire », mettant ainsi en exergue l’importance de la plastique corporelle, à la fois lieu de performance et de comparaison entre pairs. Dans ce cadre, l’identité psychologique de genre apparaît comme un facteur de corrélation important, tendant à renforcer cette dialectique, lorsque les élèves genrés « masculin » sélectionnent à 83,33 % le thème « Puissance » et quand ceux identifiés comme « féminin » optent à 84,62 % pour le thème « Volume ». Ce phénomène semble révéler l’incorporation par les élèves de normes corporelles de genre distinctes, lorsque la finalité des thèmes d’entraînement poursuivis vise la performativité par l’action pour le genre masculin (via le gain d’un potentiel d’action en termes de “puissance”) et la passivité par le paraître pour le genre féminin (via le gain d’une esthétique ciblée par le “volume”) (Cheval et al., 2015).
Plus encore, la sélection par les élèves du thème d’entraînement semble fortement corrélée à leur vécu physique et sportif. En effet, les élèves « inactifs », n’ayant pas d’activité physique en dehors de l’EPS obligatoire, privilégient largement le thème « Volume » (à 60,00 %), mettant en évidence l’incorporation de normes corporelles de genre centrées sur l’esthétique par d’autres biais que la pratique sportive. Dans ce cadre, les élèves pratiquant la musculation en dehors du lycée choisissent de manière encore plus marquée le thème « Volume » (à 71,43 %), témoignant d’un intérêt exacerbé pour la plastique corporelle. En d’autres termes, le vécu des élèves en musculation tendrait à accroître leur assujettissement à des normes esthétiques de genre, en renforçant les stéréotypes de corps déjà construits dans la sphère sociale. Parallèlement, les élèves de Terminale « actifs », pratiquant en dehors de l’école une activité physique (autre que la musculation), choisissent prioritairement les thèmes « Puissance » ou « Endurance » (à 57,14 %), soulignant une bifurcation des préoccupations corporelles vers leur « utilité » pour l’action et le développement de capacités physiques intrinsèques. La pratique physique extrascolaire des élèves (hors musculation) pourrait ainsi agir comme un atténuateur des stéréotypes corporels de genre assimilés, en favorisant des choix s’écartant de l’esthétique et d’un certain déterminisme.
Si les choix des élèves sur les thèmes d’entraînement révèlent une première dichotomie entre féminin et masculin, la différence dans les décisions se creuse lorsqu’il s’agit pour les élèves de sélectionner les muscles à travailler leçon après leçon. Concrètement, l’ensemble « cuisses-fessiers » demeure la partie du corps sélectionnée prioritairement et massivement par les filles (à 78,79 %), tandis que les garçons privilégient l’ensemble « bras-dos-pectoraux » (à 80,00 %), conformément aux représentations déjà identifiées précédemment. Renforçant nos premières observations sur la spécification des corps par le genre, le volume musculaire souhaité par les filles vise la mise en valeur du bas de leur corps – en tant qu’attribut sexué – afin de gagner en capital social. La même dynamique s’observe chez les garçons, avec le haut du corps, tout en se doublant du développement intrinsèque des qualités physiques pour prouver « en actes » son appartenance à l’endogroupe masculin.
4.3 Des justifications en décalage avec les représentations corporelles intégrées
Si les choix et les représentations des élèves concordent lorsqu’il s’agit de délimiter les normes corporelles de genre dans lesquelles s’inscrire, les bilans rédigés en fin de séquence (leçon 8) laissent progressivement apparaître une certaine dissonance avec les fondements genrés régissant leur pratique en musculation. En effet, en début de séquence, les justifications apportées par les garçons dans leur carnet d’entraînement mobilisent très largement les thématiques de « l’esthétique » (à 42,86 %) : “j’ai pris Volume car je souhaite gagner en masse musculaire et avoir des formes sur le haut du corps comme les biceps, les pectoraux, etc..” (Adam, garçon n°9, 16 ans) et des « capacités physiques » (à 42,86 %) : “plus explosif, ça me permettra de m’améliorer dans ma discipline (le basket)” (Tom, garçon n°15, 18 ans), conformément à leurs représentations et décisions dans l’activité. En parallèle, les filles s’intéressent principalement aux « ressentis » (à 58,62 %) : “je sens des picotements dans mes muscles” (Elsa, fille n° 30, 16 ans) et à l’amélioration de leur apparence corporelle (à 24,14 %) : “j’ai opté "Volume" pour m’améliorer physiquement. Ce sera une première pour moi car je ne suis pas sportive mais je souhaite que mon physique me provoque du bien-être” (Julie, fille n°13, 17 ans). Si la question de « l’esthétique » pour justifier ses choix apparaît comme centrale et en adéquation avec les normes incorporées, il nous semble primordial de souligner la large évocation des sensations. Cette mobilisation importante des “ressentis” comme justification des choix réalisés par les filles pourrait être interprétée au regard de leur développement psychosexuel et d’un rapport à l’intériorité accru, notamment lors de l’adolescence (Chabert, 2015). Cependant, nous envisageons davantage cette tendance comme le fruit d’un phénomène de conformisme scolaire, favorisé par l’intégration plus rapide des attentes de l’enseignant par les filles (Baudelot & Establet, 1992). En effet, sur l’ensemble de la séquence et conformément au référentiel d’évaluation de l’établissement pour le baccalauréat, l’enseignant s’est attaché – à travers ses interventions, ses régulations ou la correction des carnets – à centrer davantage l’activité réflexive des élèves sur leurs sensations. L’augmentation de la mobilisation des ressentis dans les bilans de la leçon 8, notable chez les filles (à 65,38 %, soit +6,76 points) et exponentielle chez les garçons (à 72,22 %, soit +57,94 points), laisse transparaître l’intégration par les élèves de cette nouvelle donnée d’ordre scolaire et nous invite à minorer l’éventuel rôle du développement intéroceptif des adolescents dans la justification des choix opérés, au profit de réponses influencées par des attendus scolaires.
Plus encore, la mise en avant des sensations dans les carnets, comme ancrage décisionnel, contraste fortement avec l’amplification des stéréotypes de corps intégrés par les élèves entre la leçon 3 et la leçon 8. En d’autres termes, le « ressenti » mis en mots dans les bilans apparaît comme un outil de mise en conformité avec les attentes de l’enseignant, en éclipsant les ancrages stéréotypés des décisions réalisées, pour les rendre plus acceptables, vis-à-vis de soi, des autres et de l’institution scolaire. Sous couvert d’une prise en compte de leurs perceptions au service des choix opérés, les élèves tendent à associer, substituer, voire confondre ce qui relève du sensoriel et ce qui relève de leurs aspirations corporelles, au sein de leurs carnets d’entraînement : “j’ai vraiment apprécié cette séance car elle était en parfait accord avec les parties du corps que je veux travailler et modifier” (Lorenzo, garçon n°4, 17 ans). Ainsi, pour la majorité des élèves du panel, les sensations tendent à devenir en apparence l’ancrage principal des choix réalisés, camouflant de manière scolaire : “je sens que je travaille spécifiquement le bas de mon corps…” et personnelle les déterminants sociaux : “... qui me complexe un petit peu, c’est-à-dire les fessiers et les quadriceps” (Agnès, fille n°23, 17 ans). Notons que l’identité psychologique de genre des élèves n’apparaît pas comme un facteur de corrélation majeur pour expliquer ce phénomène de conformisme scolaire dans les justifications apportées.
Enfin, malgré cette large adoption des ressentis au sein des justifications, notons que les élèves pratiquant la musculation en dehors de l’école présentent une propension plus poussée et ancrée dans le temps à expliquer leurs choix au regard de l’esthétique corporelle, par rapport aux élèves caractérisés comme « actifs » et « inactifs ». L’apparence constitue ainsi 54,55 % de leurs arguments mobilisés dans le bilan de la leçon 3 (contre 30,00 % pour les élèves « actifs » et 21,05 % pour les élèves « inactifs ») et 33,33 % dans celui de la leçon 8 (contre 9,09 % pour les élèves « actifs » et 11,11 % pour les élèves « inactifs »). Ces données confirment la dynamique de sur-centration des élèves pratiquant la musculation, hors EPS, sur la plastique corporelle, en lien avec leur incorporation poussée des stéréotypes de genre, dans et par leur pratique extrascolaire.
5 Conclusion
Dans un contexte où les rapports sociaux de sexe tendent à spécifier de manière dichotomique les corps biologiques au prisme de normes de genre différenciées (Magne et al., 2018), les représentations intégrées structurent les modalités d’(inter)actions des individus. Malgré la volonté de « lutte contre les stéréotypes sociaux ou sexués » (MENJ, 2019) affichée par l’institution scolaire, il apparaît peu évident pour l’EPS de faire face à l’idéalisation des corps féminins et masculins largement véhiculée par les réseaux sociaux. En effet, la place centrale de la mise en jeu corporelle en Éducation Physique et Sportive, accentuée par l’essence de certaines pratiques sportives, pourrait s’avérer être un levier propice à la reproduction des codes sociaux en vigueur. La musculation scolaire, en permettant aux élèves la sélection préférentielle de certains aspects de leur corporéité, apparaît alors comme un terrain potentiel de différenciation physique par le genre. Dans ce cadre, nos réflexions nous ont amené à questionner la relation entre les stéréotypes corporels de genre et les choix opérés par les élèves en EPS, dans l’activité musculation.
Sur la base d’une démarche de recherche couplant des ancrages théoriques issus de la psychologie et de la sociologie, nous avons cherché à faire émerger des tendances statistiques concrètes, illustrant l’évolution des représentations corporelles des élèves du panel ainsi que leur corrélation apparente avec les choix véritablement opérés durant la séquence de musculation (les muscles sélectionnés, le thème d’entraînement, et les justifications priorisées). Ces résultats, bien que singuliers à notre étude de cas et encore limités par l’échantillonnage, permettent néanmoins de mettre en lumière des perspectives méritant d’être soulignées et approfondies.
D’abord, par l’identification de l’identité psychologique de genre et de la pratique extrascolaire des élèves, nous avons tenté de mettre en évidence les dynamiques sociales structurant les choix réalisés au sein du panel. Les résultats obtenus tendent à mettre en évidence une importante corrélation entre les représentations corporelles intégrées par les élèves et les décisions formulées durant la séquence de musculation scolaire. Ainsi, les préférences physiques des élèves du panel se spécifient très distinctement selon le genre lorsque les filles privilégient le diptyque fesses/cuisses et les garçons l’ensemble bras/dos/pectoraux, en lien notamment avec une incorporation prégnante des stéréotypes de corps, amplifiée dans les classes sociales défavorisées (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques, 2024). L’expression de ces “préférences individuelles” marquées par le genre se retrouve alors largement dans les carnets d’entraînement lorsqu’il s’agit pour les élèves de sélectionner les muscles qu’ils souhaitent travailler au cours de la séquence. En parallèle, la sélection de certaines parties du corps se double de qualités physiques plus globales structurant massivement le rapport au genre des élèves du panel. Les filles et les garçons opposent à l’unisson les qualités corporelles féminines (silhouette et endurance) et masculines (puissance et volume musculaire) en mettant en évidence une véritable opposition des attributs genrés, perpétuée “en actes” par le choix du thème d’entraînement au cours de la séquence. Si la large sélection par les élèves du thème « Volume » vise ainsi le développement de zones corporelles différenciées, elle s’accompagne de choix opposant nettement les qualités intrinsèques féminines (l’endurance) et masculines (la puissance) lorsqu’il s’agit de déterminer son motif d’agir en musculation. L’idéal corporel à atteindre se spécifie ainsi au genre d’appartenance, en entraînant des choix socialement conformes à des fins de reconnaissance et/ou de distinction. Dans ce cadre, l’intégration de représentations corporelles genrées s’avère un facteur déterminant dans la prise de décision des élèves et tend à primer sur leur identité psychologique de genre, qui corrèle dans une moindre mesure ces dynamiques. L’apparence physique à atteindre socialement prévaut donc sur les attitudes et traits de personnalité individuels lorsqu’il s’agit de formuler ses choix en musculation scolaire.
Enfin, nous avons montré une tendance au renforcement des stéréotypes corporels de genre sur la séquence. L’incorporation poussée de représentations esthétiques genrées à travers la musculation – exacerbée par la pratique de cette activité en dehors de l’EPS – tend cependant à se justifier sur le plan scolaire par la mise en avant de ses ressentis personnels et du développement de soi, conformément aux injonctions institutionnelles. En effet, l’action de l’enseignant, en accord avec les attentes du législateur, amène progressivement les élèves à dissimuler les ancrages sociaux de leurs choix derrière « effets recherchés » et « ressentis » (MENJ, 2019).
Finalement, l’action amplificatrice de la séquence de musculation sur les stéréotypes corporels de genre intégrés tend à démontrer : d’une part la forte incorporation de ces normes sociales par les élèves du panel ; d’autre part l’attrait qu’exerce sur eux la possibilité de développer certaines parties de leur corps de manière isolée et préférentielle, les amenant à reproduire et à renforcer leurs représentations esthétiques. Ainsi, nos différentes modalités d’études tendent à démontrer un impact important des stéréotypes de genre incorporés par les élèves sur les choix réalisés en musculation. Malgré « la multiplicité des expériences vécues » (Lahire, 2016) et du fait des contraintes contextuelles liées à la musculation scolaire, les élèves du panel tendent à reproduire par leur pratique les attentes externes qui pèsent sur eux, afin de spécifier leur corps par le genre et s’affirmer dans la société.
Dans la continuité de cette étude, l’analyse de l’expérience vécue par les élèves en musculation scolaire (Theureau, 2006 ; Saury et al., 2013) ne pourrait-elle pas permettre d’appréhender à un grain plus fin l’impact des représentations incorporées par l’acteur sur son activité décisionnelle, au cours d’une leçon ou d’une séquence en EPS ?
Dans ce cadre, nos résultats interpellent. Le développement de « l’esprit critique » (MENJ, 2019) s’il est marqué par l’incorporation et la reproduction des stéréotypes en vigueur, ne révèle-t-il pas un certain asservissement social de l’individu, malgré la conviction psychologique d’être libre de ses décisions (Clouscard, 1981) et la volonté du législateur d’éduquer aux « choix éclairés » (MENJ, 2019) ? Permettre aux élèves le développement esthétique de certaines parties de leur corps ne revient-il pas à entériner à l’échelle scolaire les déviances narcissiques et individualistes à l’œuvre dans la société (Ehrenberg, 2010) ?
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Le thème d’entraînement est l’objectif global de progression que se fixe l’élève sur la séquence. Adopter un thème d’entraînement revient à adapter différents paramètres d’entraînement au sein de ses exercices, tels que la charge, le nombre de répétitions, le temps de récupération ou encore le rythme d’exécution.
Citation de l’article : Lorieux M & Demeer D (2025) Musculation scolaire et déterminisme décisionnel : une spécification du corps par le genre. Mov Sport Sci/Sci Mot, https://doi.org/10.1051/sm/2025020
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