Issue |
Mov Sport Sci/Sci Mot
Number 127, 2025
Tennis et Science / Tennis and Science
|
|
---|---|---|
Page(s) | 1 - 3 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/sm/2025014 | |
Published online | 11 April 2025 |
Éditorial
Préface du numéro spécial Tennis et Science
Foreword to the special issue Tennis and Science
1
UFR STAPS Dijon – Le Creusot, Laboratoire Inserm Caps U1093, Université Bourgogne Europe, Dijon, France
2
UFR STAPS de Caen, Normandie Université, UNICAEN, CNRS, GREYC, UMR 6072, Caen, France
Reçu :
7
Mars
2025
Accepté :
7
Mars
2025
Le tennis peut apparaître aujourd’hui comme un sport en perte de vitesse, la médiatisation grand public ne restant forte que pour quelques grands évènements dont Roland-Garros. Avec les sœurs Williams, Federer, Nadal, Murray et bientôt Djokovic, de grands champions très médiatiques ont pris leur retraite ou sont en passe de la prendre. Il apparaît aussi une concurrence émergente d’activités voisines et de loisirs marchands, avec notamment le padel. Pourtant, le tennis demeure très pratiqué et très suivi avec des bases institutionnelles et des structures bien en place en France et dans le monde. De ce fait, cette activité présente de nombreux intérêts et peut être scrutée sous plusieurs angles. Elle donne la possibilité de mettre en œuvre des analyses scientifiques variées avec des éclairages sur l’activité elle-même et celle des joueurs, et plus généralement sur les pratiques sportives très institutionnalisées. Ce numéro spécial pluridisciplinaire Tennis et Science présente 6 articles sous forme d’études expérimentales originales et d’une revue de la littérature. Le parcours d’une dirigeante au sein des instances fédérales, les conditions de production des performances des joueuses, la pratique avec des chaleurs tropicales, la place des compétences mentales pour les entraîneurs, le rôle de l’anticipation et de l’imagerie mentale dans les performances viendront illustrer cette pluridisciplinarité.
La première étude de nature biographique proposée par Carine Erard analyse le riche parcours de Marie-Christine Peltre, sportive de haut niveau et dirigeante de la fédération française de tennis. À partir d’entretiens croisés avec des sources fédérales, privées et issues de la presse, l’étude parvient à décliner son action politique menée avec les dirigeants de la FFT depuis le premier mandat de Philippe Chatrier jusqu’à celui de Bernard Giudicelli. Elle a ainsi occupée de multiples fonctions de vice-présidente de la FFT, de présidente de clubs, de comité départemental, de ligues. Au travers de l’évolution des missions auxquelles elle s’est consacrée (du tennis féminin aux tennis scolaire et des quartiers en passant par la culture et le patrimoine), apparaissent la montée en puissance et les ressorts de l’engagement de cette dirigeante. Également enseignante, elle parvient, durant un demi-siècle, à mener de pair vie professionnelle et familiale avec un investissement associatif qui l’a conduit jusqu’au plus niveau d’une fédération où domine la hiérarchie masculine.
Dans la deuxième étude, Marine Fontaine et Oumaya Hidri Neys ont conduit une enquête exploratoire par questionnaire auprès de 5293 joueuses de tennis françaises, pour comprendre la réalité sociale de ces compétitrices, évoluant pour certaines d’entre elles au plus haut niveau. À partir d’une analyse des correspondances multiples et d’une classification ascendante hiérarchique, sont discutées les limites des classements fédéraux établis classiquement par séries à partir des performances réalisées (1re, 2e, 3e 4e séries) et la proposition d’une nouvelle typologie des joueuses. Sont d’abord identifiées les joueuses dites « du dimanche » caractérisées par une pratique de type « loisir ». Le deuxième groupe nommé « éclectique » réunit des joueuses aux profils sociodémographiques plus hétérogènes mais qui ont en commun d’être à un « point de passage » vers un « loisir sérieux ». Enfin, les joueuses les mieux classées dans la hiérarchie tennistique et se situant dans l’élite nationale (à partir du classement −2/6) sont vues comme les plus « vulnérables ». Elles s’entraînent et jouent beaucoup de tournois, participent au circuit national, voire international, mais sans pouvoir en vivre pleinement. Elles présentent des conditions d’existence, de pratique et de production de performances qui les placent dans un processus de vulnérabilisation. Étape initiale visant à mieux connaître ces dernières compétitrices, le travail proposé constitue un apport important à la sociologie du tennis, contribuant notamment à une connaissance plus fine du versant féminin des pratiques.
La troisième étude de Nicolas Robin et de ses collaborateurs aborde un sujet en rapport avec le changement climatique actuel. Il est centré sur un questionnement pratique lié à des conditions de jeu extrêmes. Testant la particularité du climat tropical, elle s’intéresse à l’influence de la couleur vestimentaire sur des facteurs psychologiques et physiologiques chez des joueurs de tennis de niveau seconde série en termes de perception de l’effort, d’affects, de sensation de fatigue et de confort thermique. Porter des couleurs blanches ou claires en milieu chaud et humide serait préférable car cela peut limiter la survenue de stress thermique supplémentaire lié aux radiations solaires ainsi que les effets négatifs des couleurs foncées sur les facteurs psychologiques. Il est, en outre, suggéré de changer de tenue, notamment dès que celle-ci est très humide, afin de faciliter l’évacuation de la chaleur par la transpiration et de limiter l’inconfort.
Dans la quatrième étude, Miguel Crespo et ses collègues présentent un thème peu connu, celui de la perception des entraîneurs de tennis sur les compétences mentales et leur entraînement. L’analyse porte sur l’opinion d’une cohorte de 162 entraîneurs de tennis (dont 30 femmes) issus de 63 pays, sélectionnés lors d’un colloque international, sur les compétences mentales nécessaires au tennis et dans l’entraînement. L’enquête est constituée d’une combinaison de questions ouvertes et fermées. Les auteurs ont établi que les entraîneurs considéraient de façon unanime que les compétences mentales étaient primordiales en tennis, et que les moyens les plus fréquents pour les développer étaient les formations continues et l’expérience pratique. Aussi, et de manière assez surprenante mais soulignant l’importance de l’expérience vécue, les entraîneurs les plus expérimentés connaissaient le mieux la psychologie du sport et accordaient le plus d’intérêt au travail de certaines compétences mentales. Cette étude préliminaire est à poursuivre pour proposer des programmes de formation spécifiques et appelle des rapprochements avec les spécialistes de la psychologie du sport et de la préparation mentale.
La cinquième étude de Céline Triolet, Caroline Teulier et Nicolas Benguigui s’intéresse à une question non résolue dans les sports de raquettes, celle de l’intégration de différents types d’information pouvant supporter l’anticipation. Les auteurs appliquent un paradigme expert-novice lors d’une tâche d’anticipation à partir de séquences filmées manipulant l’information cinématique avant la frappe de la balle et le contexte dynamique et tactique de la situation (la position relative des joueurs sur le terrain). La tâche pour les participants consistait à prédire la destination de frappes de balles à partir de séquences extraites de tournois du Grand Chelem dans quatre conditions différentes : contexte pauvre vs. riche et occlusion précoce (−340 ms) vs. tardive (−20 ms). Il apparaît que seuls les experts parviennent à mieux utiliser les deux types d’information et sont capables d’anticiper dans des situations contextuelles moins riches. Un point majeur à noter concerne les fortes différences interindividuelles observées dans les capacités de prédiction même chez les joueurs de haut niveau.
La sixième étude de Nicolas Robin et de Dominique Laurent propose une revue des études publiées depuis 2021 portant sur l’utilisation de l’imagerie mentale et ses effets sur la performance en tennis, des novices aux experts. Avec un tableau de synthèse de 41 études, l’article offre un bon accès aux étudiants comme aux chercheurs de la littérature du champ et des différentes modalités d’usage de l’imagerie mentale. Les programmes dans ce domaine améliorent les habiletés spécifiques (par exemple, l’efficacité du service) comme les scores motivationnels et affectifs. Les études valident l’intérêt de l’imagerie mentale dans l’optique de la formation des entraîneurs, des joueurs et des parents avec des implications potentielles entre les points, lors des changements de côté et hors du court. Sa pratique régulière peut être davantage incorporée dans les programmes d’entraînement avec des routines de préparation individualisées. Il ressort aussi un intérêt futur à explorer les effets de genre, les hommes étant surreprésentés dans les recherches analysées.
Avec cet ensemble riche, nous sommes convaincus que les travaux présentés dans ce numéro spécial pourront intéresser un lectorat diversifié. Assurément, ils pourront aussi susciter de nouvelles questions pour les recherches futures tant restent larges les domaines à explorer qu’il s’agisse, en particulier d’optimisation de la performance ou d’impact social et environnemental.
***
Nowadays, tennis may appear to be a sport in decline, with the public media only focusing on a few major events, such as the French Open. With the Williams sisters, Federer, Nadal, Murray and soon Djokovic, some of the great media champions have retired or are about to retire. Competition is also emerging from related activities and commercial leisure pursuits, such as padel. Nevertheless, tennis remains widely practiced and closely followed, with well-established institutional bases and structures in France and around the world. As a result, this activity offers many advantages and can be examined from a number of angles. It offers the opportunity to carry out a wide range of scientific analyses, shedding light on the activity itself and that of the players, and more generally on highly institutionalized sporting practices. This special multidisciplinary issue of Tennis and Science includes 6 articles in the form of original experimental studies and a literature review. This multi-disciplinary approach is illustrated by the career of a female manager within the federal authorities, the conditions under which female players produce performance, playing in tropical heat, the role of mental skills for coaches, and the role of anticipation and mental imagery in performance.
First, Carine Erard’s biographical study analyzes the rich career of Marie-Christine Peltre, top-level sportswoman and manager of the French Tennis Federation (FTT). Based on cross-referenced interviews with federal, private and press sources, the article describes the political action she took with FTT directors from Philippe Chatrier’s first term to Bernard Giudicelli’s current one. She has held numerous positions as vice-president of the FFT, and president of clubs, departmental committees and leagues. Through the evolution of the missions to which she devoted herself (from women’s tennis to school and neighbourhood tennis, not forgetting culture and heritage), we can see the rise to power and the driving forces behind this leader’s commitment. Also a teacher, during half a century she managed to combine her professional and family life with a commitment to the community that took her to the highest level of a federation dominated by men.
In the second study, Marine Fontaine and Oumaya Hidri Neys conducted an exploratory questionnaire survey of 5,293 French female tennis players, to understand the social reality of these competitors, some of whom playing at the highest level. Based on a multiple correspondence analysis and a hierarchical ascending classification, the limits of the federal rankings classically established by series based on performances achieved (1st, 2nd, 3rd, 4th series) are discussed, and a new typology of female players is proposed. First of all, the so-called “Sunday” players are identified, characterized by a “leisure” style of play. The second group, called “eclectic”, is made up of players with more heterogeneous socio-demographic profiles, but who share the common characteristic of being at a “transition point” towards a “serious leisure activity”. Finally, the highest-ranked players in the tennis hierarchy and among the national elite (from ranking −2/6 upwards) are seen as the most “vulnerable”. They train and play a lot of tournaments, and take part in the national and even international circuit, but are unable to make a full living from it. Their conditions of existence, practice and performance production place them in a process of vulnerability. As an initial step towards gaining a better understanding of these latest female competitors, the proposed work represents a major contribution to the sociology of tennis, contributing in particular to a more detailed understanding of the women’s side of the game.
The third study by Nicolas Robin and his collaborators tackles a subject related to current climate change. It focuses on a practical question linked to extreme playing conditions. Testing the particularity of the tropical climate, the authors investigated the influence of clothing color on psychological and physiological factors in second-series tennis players in terms of perception of effort, affect, feeling of fatigue and thermal comfort. Wearing white or light colors in a hot, humid environment would be preferable, as this may limit the occurrence of additional thermal stress due to solar radiation, as well as the negative effects of dark colors on psychological factors. It is also advisable to change your clothing, especially when it is very damp, to facilitate the evacuation of heat through perspiration and limit discomfort.
In the fourth study, Miguel Crespo and colleagues present a little-known theme: tennis coaches’ perceptions of mental skills and their training. The analysis focuses on the opinions of a cohort of 162 tennis coaches (including 30 women) from 63 countries, selected at an international symposium, on the mental skills required for tennis and coaching. The survey consisted of a combination of open and closed questions. The authors found that coaches unanimously considered mental skills to be paramount in tennis, and that the most common means of developing them were continuing education and practical experience. Also, the most experienced coaches were the most knowledgeable about sport psychology and placed the most emphasis on working on certain mental skills, a finding that is somewhat surprising but it underscores the importance of lived experience. This preliminary study should be pursued with a view to proposing specific training programs, and calls for closer collaboration with specialists in sports psychology and mental preparation.
The fifth study by Céline Triolet, Caroline Teulier and Nicolas Benguigui addresses an unresolved issue in racquet sports, namely the integration of different types of information that can support anticipation. The authors apply an expert-novice paradigm to an anticipation task based on filmed sequences manipulating kinematic information prior to the ball strike and the dynamic and tactical context of the situation (the relative position of players on the court). The task for participants was to predict the destination of ball strikes from sequences extracted from Grand Slam tournaments under four different conditions: poor vs. rich context and early (−340 ms) vs. late (−20 ms) occlusion. It appears that only experts are able to make better use of both types of information, and are able to anticipate in less rich contextual situations. To note that a major point is the strong inter-individual differences observed in prediction abilities, even among high-level players.
The sixth study by Nicolas Robin and Dominique Laurent offers a review of studies published since 2021 on the use of mental imagery and its effects on tennis performance, from novices to experts. With a summary table of 41 studies, the article offers students and researchers alike good access to the literature in the field and to the different modalities of mental imagery use. Programs in this field improve specific skills (e.g., service efficiency) as well as motivational and affective scores. Studies validate the value of mental imagery in the training of coaches, players and parents, with potential implications between points, during side changes and off-court. Its regular practice can be further incorporated into training programs with individualized preparation routines. There is also a future interest in exploring gender effects, as men are over-represented in the research analyzed.
With this rich body of work, we are convinced that the papers presented in this special issue will be of interest to a diverse readership. They will also undoubtedly raise new questions for future research, given the breadth of areas to be explored, from performance optimization to social and environmental impact.
Citation de l’article : Crognier L & Benguigui N (2025) Préface du numéro spécial Tennis et Science. Mov Sport Sci/Sci Mot, 127, 1–3 https://doi.org/10.1051/sm/2025014
© ACAPS, 2025
Current usage metrics show cumulative count of Article Views (full-text article views including HTML views, PDF and ePub downloads, according to the available data) and Abstracts Views on Vision4Press platform.
Data correspond to usage on the plateform after 2015. The current usage metrics is available 48-96 hours after online publication and is updated daily on week days.
Initial download of the metrics may take a while.